Suivant une grande mode de critique systématique, comme certains autres socialistes, à l'égard du quatrième opérateur, la ministre Fleur Pellerin a critiqué les méthodes de l'ARCEP concernant les mesures de couverture de Free Mobile à l'occasion de son audition à l'Assemblée Nationale.
L'ARCEP et les dirigeants de Free ont du sauter de leur chaise à l'écoute de la ministre Fleur Pellerin qui a n'a pas hésité à affirmer : "Le reproche qui est souvent fait aux enquêtes effectuées par l’ARCEP pour suivre le rythme de déploiement du réseau de Free c’est qu’elles ne reflètent pas vraiment le niveau de couverture réelle. Dans le cadre de ses missions, l’observatoire aura obligation de vérifier le trafic réel transporté sur les réseaux propres de Free. La difficulté aujourd’hui, c’est de pouvoir distinguer ce qui est véhiculé par les réseaux d’Orange, d’un côté, et par les réseaux d’Iliad-Free, de l’autre."
La ministre fait ici preuve d'une grande méconnaissance du sujet (ou fait exprès de mélanger). Pour une fois, Free avait pourtant pris la peine d'expliquer dans un long communiqué les raisons pour lesquelles le pourcentage trafic qui passant par le réseau de Free Mobile ne correspondait pas au pourcentage de couverture de la population :
"Il va de soi que ce pourcentage de couverture mesuré en % de la population, n’équivaut pas à une part de trafic identique acheminé en propre sur le réseau notamment pour les raisons suivantes : [...] L’obligation de couverture est uniquement « outdoor » et mesurée comme telle. La couverture « indoor » est, à ce stade initial de déploiement, moins bonne et en conséquence, une large part du trafic « indoor » est acheminée en itinérance Les fréquences 900 Mhz attribuées à Free Mobile et couvrant les zones denses ne seront disponibles qu’au 1er janvier 2013. Ces fréquences sont efficaces notamment pour la couverture « deep indoor ». De nombreux téléphones du parc ne fonctionnent qu’en 2G. Le même constat peut être fait avec les réseaux 3G nationaux des trois opérateurs historiques qui, bien que couvrant 93 à 99% de la population, ne transportent qu’une part modeste du trafic voix. A titre d’exemple, chacun peut constater qu’à Paris, théoriquement couvert à 100%, il est fréquent de ne trouver qu’une couverture 2G."
Comme l'explique longuement le communiqué, Free Mobile n'est en effet pas dans une situation équitable à l'égard des autres opérateurs et ce jusqu'à janvier 2013 en ne pouvant pas émettre sur les fréquences basses (900 MHz) dans les zones très denses (Bayonne, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Paris Ile de France, Strasbourg et Toulouse*) jusqu'à cette date. Ces fréquences basses utilisées par le GSM (et l'UMTS) sont utiles pour la couverture à l'intérieur des bâtiments.
Par exemple Bouygues Télécom estimait dans une réponse à une consultation publique de l'ARCEP : "L’utilisation de fréquences 900 sera nécessaire demain sur cette partie du déploiement pour assurer une couverture indoor de qualité. La qualité de service de l’UMTS en indoor est encore plus dépendante que le GSM de l’utilisation de fréquences basses."
Outre le fait que Free Mobile n'est pas dans une situation similaire à celle des autres opérateurs (qui ont eux à disposition des fréquences basses partout en France) et qu'il n'est donc pas équitable de faire des mesure s éventuelles de part de trafic avant 2013, la ministre fait preuve d'une autre méconnaissance : elle affirme qu'il est difficile de mesurer les parts de trafic par le réseau de Free et par celui d'Orange.
Orange devant facturer Free Mobile pour le trafic qui passe par son réseau et Free devant connaitre le trafic sur son réseau ces données sont vraisemblablement disponibles. Même des Freenautes développent des applications Android qui permettent de connaitre la part de temps que les téléphones passent sur chacun des deux réseaux et établissent des graphiques :
Source : Free Mobile netstat / Application Android disponible sur le Play Store
Le temps que passe un téléphone sur chacun des réseaux ne doit pas être si éloigné que cela des parts de trafic.
Enfin il faut rappeler à Fleur Pellerin que les licences mobiles sont basées sur des mesures de couverture de la population et non pas de quantité de trafic, elle reformule donc à tort les obligations.
Au lieu de vérifier les investissements dans les réseaux mobiles, Fleur Pellerin ne devrait elle pas s'affairer à vérifier les investissements dans les réseaux fixes - notamment en fibre optique - sur lesquels les réseaux mobiles sont aujourd'hui forcés de se baser pour proposer des débits importants ?
* Les cartes précises des zones concernées sont consultables sur le site de l'ARCEP à la fin de la licence attribuée à Free Mobile.
Eric